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Quand le verre d’olivine lubrifie la tectonique des plaques

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Le professeur Patrick Cordier, double lauréat de l’ERC Advanced Grant, et chercheur au sein de l’Unité Matériaux et Transformations (UMR Université de Lille - CNRS) publie dans la revue Nature datée du 3 mars 2021, avec des chercheurs des universités d’Anvers et de Louvain- La-Neuve (Belgique), de Bayreuth (Allemagne), de Tokyo (Japon) et de Montpellier, un article* éclairant d’un jour nouveau les propriétés mécaniques de l’olivine, minéral le plus abondant de la couche supérieure du manteau terrestre.

Quand l’olivine se déforme

La surface de la Terre est constituée de quelques plaques rigides qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Ces déplacements sont animés par de lents mouvements de convection qui brassent le manteau terrestre sous-jacent. L’interface entre ces deux couches est une région particulièrement importante pour la dynamique de notre planète or son fonctionnement est mal connu. Les propriétés mécaniques y chutent brusquement lorsque la température dépasse 1000-1100 °C, sans que la nature des roches ne change. (télécharger le communiqué de presse)

En effet, on trouve des roches composées principalement d’olivine (minéral), un silicate de magnésium et de fer de couleur verte, de part et d’autre de cette frontière. Une nouvelle étude réalisée dans le cadre de l’ERC TimeMan éclaire cette question sous une lumière nouvelle en mettant en évidence un nouveau mécanisme de déformation de l’olivine.

Bien que ce minéral ait fait l’objet de nombreuses études, ses propriétés restent encore mal connues. La structure cristallographique propre à ce minéral ne lui donne pas la liberté de se déformer dans toutes les directions. Au sein d’une roche qui est un assemblage de nombreux cristaux, ce manque de facilité à se déformer mène à la rupture, sauf si chaque cristal devient capable de
« glisser » vis-à-vis de ses voisins, comme dans un tas de sable. Dans cette étude les auteurs ont conduit des investigations poussées en microscopie électronique en transmission d’échantillons déformés sous fortes contraintes. Ils observent que dans ces conditions, les parois entre les grains présentent une fine couche vitrifiée, sans que les grains ne se séparent.

Cette observation éclaire d’un nouveau jour les propriétés mécaniques de la roche car un verre possède des propriétés mécaniques très spécifiques que connaissent bien les souffleurs de verre. Au voisinage d’une température caractéristique appelée température de transition vitreuse, le verre cesse d’être rigide et fragile et devient pâteux. Les auteurs proposent donc que le ramollissement de cette fine couche intergranulaire serait le déclencheur de la variation brutale de propriétés mécaniques entre les plaques rigides de la surface de la Terre et ses couches profondes visqueuses.

*V. Samae, P. Cordier, S. Demouchy, C. Bollinger, J. Gasc, S. Koizumi, A. Mussi, D. Schryvers & H. Idrissi (2021) Stress-induced amorphization triggers deformation in the lithospheric mantle. Nature 591, 82–86. https://doi.org/10.1038/s41586-021-03238-3

PR. PATRICK CORDIER SPECIALISTE DE PHYSIQUE DES MATÉRIAUX
Professeur des Universités au sein du département Physique de la faculté des sciences et technoloigies de l’Université de Lille, Patrick Cordier est chercheur dans l’équipe Plasticité de l’Unité Matériaux et Transformations (UMR Université Lille - CNRS). Ses travaux ont donné lieu à près de deux cents publications dans des revues internationales spécialisées et à de nombreuses conférences invitées.

En 2019, il a été élu membre d’honneur (Fellow) de la société américaine de géophysique pour l’excellence de ses recherches sur la déformation du manteau terrestre. Cette même année, il a également été nommé membre sénior de l’Institut Universitaire de France (IUF). En 2018, il a été pour la seconde fois lauréat du Conseil Européen de la Recherche (REC) donnant lieu à une bourse de près de 2,5 millions d’euros pour son projet TimeMan. Il avait déjà, par ailleurs, été honoré en 2016 par la société américaine de minéralogie (dont il est également membre d’honneur) qui lui avait attribué la médaille DANA. En 2011, l’excellence de son projet Rheoman lui avait permis d’obtenir une première subvention de l’Europe.

Ancien président de la Société Française de Minéralogie et de Cristallographie et de l’International Mineralogical Association, Patrick Cordier a publié avec Hugues Leroux «Ce que disent les minéraux» chez l’éditeur Belin